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L'ATELIER DES DEUX SAINTS JEAN, LES JANINS 45220 (LOIRET) MELLEROY - FRANCE - TEL : 02 38 95 39 43 Accueil : L'Icône : une discipline spirituelle, les Icônes, cours et stages d'iconographie, réflexion sur l'art, expositions, Traité de peinture Scénographie, affiches de théâtre, peintures, graphisme, illustrations |
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Depuis longtemps nous observons l'obstination avec laquelle certains colportent le concept de perspective inversée et sa conséquence séduisante de points de fuites qui convergent vers le coeur du fidèle. Si cette idée apparaît comme (théo)logique, elle ne se vérifie jamais chez les grands Maîtres pour la bonne raison qu'elle est fausse. De ce point de vue nous regrettons qu'il y ai trop fréquemment chez certains la tentation de la "formule" pour elle-même sans vérifier l'exactitude et le bien fondé de celle-ci ... La restitution, tout autant que l'inversion de la vision ordinaire du monde, se situent aux antipodes de la préoccupation iconographique. Nous avons dit et répété ailleurs que la règle affirme la rupture ou mieux l'abandon de cette vision ordinaire, ce n'est pas pour l'envisager en l'inversant. Il semble avoir échappé à beaucoup qu'une "inversion" ne peut en aucun cas constituer un principe authentique mais plutôt son contraire ...
Autre chose : si nous devions nous en tenir à un principe très élémentaire de lignes de fuites qui convergent vers le coeur du fidèle, leur point de fuite unique devrait se situer plutôt vers le centre optique de l'Icône (les tracés seraient à n'en pas douter assez cocasses !), car, pour ce qui est de l'image, c'est la vue que l'on sollicite et non... les pieds ... Encore une fois - dans le cadre de la représentation iconographique - pour atteindre le coeur du fidèle, jusqu'à preuve du contraire, nous passons par "la vue" et le centre optique de la représention.
Une fois de plus, la réflexion de Léonard de Vinci mérite d'être rappelée : "Ce qui m'occupe relève de l'expérimentation, non de l'élocution ..." D'où l'inconvénient d'une approche spéculative de l'iconographie. L'élaboration discursive originale risque de faire illusion pendant un temps, mais s'effondre à la première confrontation avec l'expérimentation. Certains érudits ne peuvent s'empêcher de penser à la place des Maitres en leurs prêtant leurs propres intentions. Combien de théories de cette sorte ont ainsi été élaborée sans aucune vérification sérieuse et logique ?
![]() L'iconographe, et cela depuis l'origine applique en toute chose la règle spirituelle de l'abandon du monde sans perdre de vue qu'il est issu de celui-ci. Il sait, par exemple que, comme dit Saint Paul : c'est le psychique qui paraît d'abord puis le Spirituel. Ou encore : on est semé corps psychique, on ressuscite corps spirituel.
De cette façon nous pouvons affirmer que chercher des lignes de fuites dans l'Icône nous renvoie à cette sagesse mondaine, cette intelligence des intelligents. La tentation est forte de tenir des raisonnements pour apparaître savant. La thèse souvent émise selon laquelle les anciens ignoraient la perspective reflète la méconnaissance d'un certain regard. Les anciens tout autant que l'enfant n'ignorent nullement que ce qui est près est plus grand que ce qui est loin ; restituer la réalité ne correspond à rien d'élévé pour celui qui s'avance dans la voie spirituelle. De plus comment pourrait-on inverser ce que l'on ignore ?
![]() On ne compte plus les ouvrages qui traitent de cette absurdité avec le plus grand sérieux. On en compte beaucoup moins qui s'intéressent à la symbolique du geste, des couleurs, de la composition réelle des Icônes. Nous comptons pour inexistants, voir dangereux, ceux qui se rattachent à des mouvances pseudo-spiritualisantes qui, eux, prolifèrent. Ces publications fourmillent d'exemples d'inversions de sens. Nous rappellerons que la Grande Symbolique Traditionnelle, qui était envisagée par les anciens comme "science sacrée", affirme qu'en aucun cas elle n'est en contradiction avec la "nature des choses". Le pseudo principe d'inversion, lui, constitue le signe de l'erreur et de l'errance.
Il suffit d'observer une certaine iconographie contemporaine pour en constater les résultats.
Mais écoutons plutôt le Maître iconographe Denys, moine de Fourna (vers 1730) : " ... Je n'ai donc pas voulu cacher mon talent, c'est-à-dire le peu d'art que je connais, m'efforçant d'imiter, autant qu'il m'était possible, le fameux maître Manuel Panselinos de Tessalonique. Après avoir travaillé dans les églises admirables qu'il a ornées de peintures magnifiques dans la montagne sainte de l'Athos, ce peintre jeta autrefois un éclat si brillant par ses connaissances dans son art, qu'il était comparé à la lune dans toute sa splendeur. Il s'est élevé au-dessus de tous les peintres anciens et modernes, comme le prouvent encore évidemment ses peintures sur mur et sur bois. C'est ce que comprendront très bien tous ceux qui, possédant un peu la peinture, contempleront et examineront les oeuvres de ce peintre ..."
Ceci nous laisse penser que certaines tendances "novatrices malheureuses" dans l'iconographie contemporaine proviennent d'une frustration de la "créativité" ou d'une pratique "par défaut". Nous ne pouvons que suggérer avec le plus grand sérieux, à ceux auxquels nous pensons, d'expérimenter d'autres disciplines artistiques. Elles leur permettront de soulager cette compression de l'âme. Mais, de grâce, qu'ils épargnent, à eux-mêmes et aux autres des tyranies de pseudos maîtres rêvant du "travail d'atelier"(pour faire du nombre) et fustigeant les "solitaires". Un peu de "Simplicité" (qui est le contraire de la médiocrité) dans la technique et plus de rigueur dans la "connaissance" ne peut qu'être salutaire à l'iconographie contemporaine du moment qu'elle ne s'écarte pas de l'église et de la foi qui l'anime.
Et pour répondre à un argument qui tend à laisser penser qu'il serait préférable d'avoir une iconographie très discutable (voir médiocre) plutôt que des reproductions collées, (argument que nous avons entendu récemment dans l'orthodoxie même), nous ferons remarquer avec fermeté que rien n'empêche de développer une iconographie parfaite et digne (selon la prière de l'iconographe). Accepterait-on qu'un choeur chante faux, qu'un prêtre bafouille son texte, que l'odeur de l'encens soit insupportable, ou même au plan profane, qu'un artisan fasse mal son travail, etc ... Encore faudrait-il être rigoureux à l'égard de certains ateliers hétérodoxes (ou à prétentions orthodoxes) qui s'inventent des délires mystiques (dont la perspective inversée fait partie) pour pallier leur ignorance. Entre la médriocrité et la reproduction collée, nous choisissons une autre voie : le travail bien fait, le sérieux et le respect de la "Tradition" ; partant du principe que nous a enseigné notre maître : "On n'a jamais aucun mérite à faire ce que l'on est capable de faire". Ce qui implique de ne point se satisfaire du niveau que l'on pense avoir atteint.
Après avoir rejeté jusqu'au soupçon d'une théorie de la perspective inversée comme de l'ombre portée, voir les "manies" de technique à la "goutte" quand ce n'est pour d'autres à la "louche", il devient plus opportun de vérifier ce que signifient : la manière de représenter l'architecture, le sens qu'il faut donner aux ouvertures étroites et sombres, au voile rouge suspendu entre deux édifices, etc. Mais aussi s'attacher à développer des harmonies de couleurs sobres et justes sans oublier la recherche d'équilibre de la composition (qui n'a rien à voir avec les innombrables tracés fantaisistes présuméments savants). Enfin nous rappellerons ce que nous avons exposé précédemment sur le nimbe et la feuille d'or.
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